Du moins… comme nous la connaissons et la vivons aujourd’hui.

Et ce n’est pas la première fois que j’entends cela. Au cours de toutes mes années en tant qu’enseignant (presque 15 avant d’embrasser pleinement le secteur tech), j’ai assisté à l’introduction de nombreuses technologies dans le monde éducatif ; certaines n’étaient qu’une tendance, d’autres restent pertinentes encore aujourd’hui.

Je me souviens des premiers examens dans Moodle, et combien l’autocorrection semblait effrayante et difficile.

Je me souviens que Wikipédia a signifié la fin des manuels scolaires et que nous devions être très prudents et prudentes avec nos élèves, car ces sources n’étaient pas fiables.

Nous avions accès à ces pages Web où nous pouvions trouver toutes sortes d’examens et même des notes de cours et des devoirs pour toutes les matières et tous les niveaux (tape dans tes mains si tu as connu l’émergence d’Enseignons.be).

Mais ce dont je me souviens le plus, c’est de la résilience dont ont fait preuve, à maintes reprises, les enseignant(e)s pour adapter leurs classes au nouveau paradigme qui se présentait. Mais aujourd’hui, c’est différent, ou du moins, cela pourrait être différent. Nous assistons à ce qui est peut-être la plus grande percée depuis l’invention de l’Internet. Est-ce que je n’exagère pas un peu ? C’est également possible.

Concentrons-nous sur le sujet en question : L’Intelligence Artificielle.

Avant de passer directement à la « cour des grands » comme Bing Chat, permettez-moi de m’attarder sur l’IA qui se trouve déjà dans nos salles de classe et que nous utilisons tous les jours. Cette IA peut notamment être classée en trois niveaux :

1. L’IA révolutionnaire :

Il s’agit de l’IA qui crée de nouveaux paradigmes éducatifs qui transforment la façon dont nous enseignons et apprenons tout en générant un impact social positif. L’intelligence artificielle a le pouvoir de relever certains des plus grands défis de l’éducation, comme l’inclusion et l’équité.

Voici quelques exemples d’IA révolutionnaire qui existent déjà dans les classes travaillant dans l’écosystème de Microsoft Education :

  • Des systèmes d’analyse des données sur le processus d’apprentissage tels que le temps consacré à une tâche, le nombre d’erreurs, les sentiments exprimés … et qui peuvent réellement améliorer la réussite de nos élèves, comme Insights dans Teams.
  • Les systèmes générateurs de contenu qui, en utilisant des techniques de traitement du langage naturel, peuvent créer automatiquement de la ressource mobilisable, des devoirs ou des exercices. Il peut s’agir par exemple des accélérateurs d’apprentissage que Microsoft intègre dans Teams, comme Progrès en lecture, Coach en lecture, Coach en recherche ou Coach en Math….
  • Ou simplement des systèmes qui aident les enseignant(e)s dans leur travail quotidien en soutenant leurs tâches administratives telles que la gestion de la classe, la communication avec les parents ou la réception de suggestions utiles, comme le fait de réserver du temps dans la journée pour le repos, la concentration et l’auto-apprentissage, ce qui contribue à améliorer le bien-être et à accroître l’efficacité, comme Viva Insights.

2. L’IA évolutive

L’IA évolutive préparera les étudiant(e)s à la nouvelle ère technologique qui s’annonce. En tant qu’écoles (ou hautes écoles ou universités), nous avons la responsabilité (ou du moins une partie de cette responsabilité) d’apprendre à nos élèves à utiliser les outils dont ils disposent de la meilleure manière possible.

Cela s’est également produit lorsque la technologie a fait son entrée dans les salles de classe. À l’époque, les gens avaient l’habitude de dire que la technologie devait être invisible, juste un outil mobilisable (qui finit souvent par prendre la poussière dans beaucoup d’écoles). J’étais déjà profondément en désaccord avec ce concept pour la même raison que je crois aujourd’hui que nous ne pouvons pas simplement oublier dans son coin l’IA dans l’éducation.

Nous devrions plutôt …

… apprendre avec l’IA.

L’intelligence artificielle peut créer un contenu adapté aux besoins des élèves, en offrant un retour d’information personnalisé et en optimisant le rythme et le niveau des exercices. Elle peut également créer des systèmes d’évaluation intelligents qui mesurent en permanence et objectivement les progrès des étudiant(e)s.

… en savoir plus sur l’intelligence artificielle.

L’intelligence artificielle peut stimuler la créativité des élèves en leur permettant de concevoir et d’expérimenter leurs propres solutions basées sur l’IA, en utilisant, par exemple, des techniques de génération artistique comme DALL-E (disponible notamment au travers de Microsoft Designer).
De même, la pensée algorithmique, le codage, la logique… sont autant de compétences développées lorsque nos élèves sont confronté(e)s à une application d’IA capable de générer du contenu.

D’ailleurs tout ceci est directement relié aux Digcomps européennes reprises ci-dessous :

  1. Naviguer, rechercher et filtrer les données, l’information et le contenu numérique
  2. Interagir par le biais des technologies numériques
  3. Partager des données, des informations et du contenu numérique
  4. Collaborer par le biais des technologies numériques
  5. Résoudre les problèmes techniques
  6. Identifier les besoins et les solutions technologiques
  7. Adapter de manière créative les technologies numériques
  8. Intégrer et réélaborer le contenu numérique
  9. Programmer
  10. Protéger les appareils
  11. Protéger les données personnelles et la vie privée
  12. Protéger la santé et le bien-être
  13. Gérer l’environnement numérique de manière responsable
  14. Reconnaître l’écart entre réalité et représentation numérique
  15. Identifier les sources fiables d’information numérique
  16. Utiliser les outils d’analyse de données pour comprendre l’information numérique
  17. Comprendre comment fonctionnent les systèmes automatisés
  18. Comprendre comment fonctionnent les réseaux de communication
  19. Comprendre comment fonctionnent les services en ligne
  20. Comprendre comment fonctionne l’intelligence artificielle
  21. Comprendre comment fonctionne la blockchain

… se préparer à l’IA.

Les élèves doivent assimiler les valeurs et les codes moraux nécessaires pour vivre dans un monde avec IA. Ces valeurs comprennent l’éthique, la responsabilité, la collaboration, la communication, l’adaptabilité, l’apprentissage continu, la résolution de problèmes et la pensée critique.

L’IA adaptative

L’IA adaptative est une méthodologie qui utilise les nouvelles technologies, plus concrètement l’analyse des données, pour adapter les besoins éducatifs à chaque élève.
L’apprentissage est un processus de construction de connaissances qui part de l’interaction de l’étudiant(e) avec ce qui l’entoure.
Des exemples clairs sont les environnements virtuels qui proposent des contenus, des activités et des retours personnalisés adaptés à chaque personne en fonction de ses interactions avec cette technologie.

Un nouveau type d’usage en IA pour l’éducation

Un excellent exemple d’IA que je souhaite utiliser pour illustrer les avancées rapides et récentes de l’utilisation de l’IA dans le contexte éducatif est l’outil Bing Chat.

Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore, en voici une rapide présentation dans le cadre de sa préversion grand public.

Où se situe Bing Chat dans tout ceci ?

Je crois qu’il s’agit d’un savant mélange des éléments précités. Je m’explique …

Bing Chat et d’autres technologies similaires ont, bien sûr, une forte composante d’innovation révolutionnaire mais apportent également de nouvelles compétences à nos enseignant(e)s et étudiant(e)s qui devront faire évoluer leurs pratiques d’apprentissage et d’enseignement avec et sur l’Intelligence Artificielle.
L’IA adaptative est, de mon point de vue, celle qui convient le mieux. Je citerai quelques exemples un peu plus bas dans cet article, mais le fait que nous puissions construire des connaissances basées sur une conversation continue avec l’IA est l’une de ses meilleures forces.

Bing Chat

Regardons en face l’éléphant dans la pièce. Comment des technologies comme Bing Chat ou ChatGPT peuvent-elles gâcher l’expérience éducative ?

La première chose que je voudrais exposer, c’est que ces différentes technologies resteront ; elles feront partie de notre vie… et ce n’est que le début.
Alors, les écoles et les universités doivent-elles apprendre à leurs étudiant(e)s comment les utiliser ?
Ma réponse est : oui ! Les établissements d’enseignement n’ont peut-être pas à être responsables à 100 % de cette formation (trop de choses leur incombent déjà), mais ils ont certainement leur mot à dire.

Donc, encore une fois : où se situe notre véritable crainte ?

Que les élèves utilisent Bing Chat pour tricher dans des domaines tels que la création de textes ou la résolution/réponse à des questions directes. Et en quoi cela est-il différent de la recherche sur le Web traditionnelle avec des moteurs comme nous l’avons fait toutes ces années ?

La principale différence est que maintenant, il n’y a pas d’outil automatisé pour découvrir la source de cette information car, avec l’IA, chaque texte, chaque solution proposée, chaque image est unique et « impossible » à retracer.
(Oui ! Je sais ! Des solutions existent déjà… mais vous comprenez ce que je veux dire ! 🙂 Nouveau classificateur d’IA pour indiquer les textes écrits par l’IA (openai.com))

Voici mon opinion personnelle sur la façon de l’utiliser en classe.

Fixez des règles de base.

Comme tout ce qui se passe dans une classe, l’utilisation de l’IA doit être réglementée.

Quand pouvez-vous l’utiliser ? Il y aura certains moments où l’IA sera autorisée. Comme expliqué dans « L’IA évolutive », de nouvelles compétences sont venues s’ajouter à l’éventail déjà large des compétences présentes dans le processus d’enseignement et d’apprentissage. Nous devons trouver le temps d’enseigner ces compétences et Digcomps à nos élèves et les aider à apprendre comment utiliser au mieux l’IA.

Comment l’utiliser ? L’IA fait également des erreurs ; nous devons toujours vérifier que les informations fournies sont exactes. Analyser les erreurs de l’IA avec les élèves est une démarche formidable et très porteuse puisqu’elle met en perspective la puissance de la machine (-learning) vis à vis de notre esprit critique.
En outre, chaque réponse doit être référencée. Ainsi, chaque fois que l’information provient de Bing Chat, elle doit être accompagnée de la source.

Repenser le modèle de classe inversée.

La classe inversée, en un mot (et je vous présente mes excuses si cette vulgarisation trop rapide galvaude un tant soit peu la richesse de la démarche réelle), est un modèle d’enseignement où les explications sont traitées à l’aide de vidéos ou d’autres médias individuellement par chaque élève, par exemple, à la maison ou à l’étude organisée à l’école, au lieu de faire des exercices comme devoirs.
Les exercices sont faits en classe lorsque le professeur est présent afin qu’il puisse aider les élèves pendant le processus.

Grâce à des technologies comme Bing Chat, nos élèves peuvent faire leurs recherches individuellement et nous faisons du temps de classe un moment de créativité et d’inventivité dans l’échange, individuellement ou en groupe, en utilisant les recherches précédentes qu’ils/elles ont effectuées.

Promouvoir les tâches de recherche.

L’IA conversationnelle peut se faire passer pour différents personnages et aider les étudiant(e)s à reproduire des exercices de recherche effectués dans différentes parties du monde, à différentes périodes ou avec des personnes d’horizons différents.

Discussion sur la définition du Spleen à la manière d’Orelsan

Tant que la conversation se poursuit, les élèves peuvent approfondir certains aspects découverts et construire leur propre édifice cognitif en utilisant le langage naturel.

Renforcez les compétences en matière de lecture et d’écriture.

Des prompts/injonctions différentes conduiront à des réponses différentes.

C’est quelque chose qui évoluera bientôt, mais, pour l’instant, l’interaction avec Bing Chat ou ChatGPT est essentiellement écrite (l’interaction orale est déjà disponible sur Bing Chat via Smartphone ou sur ChatGPT à l’aide d’extensions).

Les élèves qui souhaitent utiliser ces outils devront développer leurs compétences en matière d’écriture afin de fournir l’injonction exacte et d’obtenir la réponse souhaitée.
Parallèlement, ils/elles devront lire les réponses demandées et agir en conséquence.

Nous pourrions les aider à développer ces compétences en écriture et en lecture et même les mettre au défi d’obtenir certaines réponses s’ils créent la bonne prompt ; ou aussi essayer d’obtenir certaines réponses dans le minimum d’interactions possibles.

Ce champ d’investigation est potentiellement immense et très ludique.

Dépoussiérer l’importance des citations bibliographiques.

Je serai bref ici.
Si vos élèves travaillent avec Bing Chat, ils/elles doivent fournir les sources d’où Bing tire ses informations.
Dans chaque fenêtre de chat, l’interface vous offre une option permettant de copier le texte en un seul clic.

Une fois que le texte est copié et collé dans un document, toutes les sources sont automatiquement fournies avec le collage.

Baudelaire, c’est le boss du spleen, mec. Il a écrit plein de poèmes sur ce sentiment dans son bouquin Les Fleurs du mal¹². Il dit que le spleen, c’est pas juste un mal de vivre, c’est aussi une envie de vivre plus fort¹. Il a même appelé son recueil de poèmes en prose Le Spleen de Paris². C’est lui qui a popularisé ce mot en France et qui en a fait un symbole du romantisme noir³⁴. Tu vois le délire ?

Source : conversation avec Bing, 27/02/2023

(1) Spleen baudelairien — Wikipédia. https://bing.com/search?q=spleen+et+Baudelaire Consultée 27/02/2023.
(2) Spleen baudelairien — Wikipédia. https://fr.wikipedia.org/wiki/Spleen_baudelairien Consultée 27/02/2023.
(3) Spleen de Charles Baudelaire – Dissertation – tritri6969. https://www.ladissertation.com/Archives-du-BAC/BAC-Fran%C3%A7ais/Spleen-de-Charles-Baudelaire-475489.html Consultée 27/02/2023.
(4) Spleen IV, Baudelaire : commentaire de texte – La langue française. https://www.lalanguefrancaise.com/litterature/baudelaire/spleen-4 Consultée 27/02/2023.

Apprentissage linéaire contre apprentissage neuronal

Pour moi, c’est peut-être la proposition la plus innovante et la plus risquée que des technologies comme Bing Chat ou ChatGPT peuvent apporter à la classe.

Je me souviens encore que lorsque j’étais enseignant à l’école, un collègue m’a demandé : « Combien de chapitres nos élèves peuvent-ils apprendre sur un sujet en à peine deux semaines ? »

Il était professeur d’histoire et les thèmes à couvrir ne durent généralement que quelques semaines en raison du faible nombre d’heures par semaine pour ce cours. Pour un sujet comme la Rome antique, que peuvent donc quantitativement en apprendre nos élèves dans le temps imparti ?

Et voilà l’idée que je propose aujourd’hui :
Et si, au lieu d’avoir un seul point de départ et un seul objectif d’apprentissage, on apprenait à l’élève à choisir son propre chemin d’apprentissage ?

Prompt : Une comparaison entre une ligne et un diagramme neuronal réalisé au crayon.

En discutant avec l’IA, chaque élève s’intéressera à des parties distinctes de la conversation et donc, du sujet, et il/elle continuera à poser des questions sur ce qui l’intéresse, tandis que son apprentissage évoluera en conséquence.

Les professeurs peuvent suggérer de poser 5… 7… 10 questions différentes à partir de la même question (la vie dans la Rome antique dans notre exemple) et les résultats seront complètement différents.

Les élèves présenteront ensuite leur travail en classe.
….
Et ce ne sont que quelques exemples qui me sont venus à l’esprit en rédigeant cet article. Vous en trouverez certainement beaucoup d’autres par vous-même.
….
J’ai été longtemps dans une salle de classe, et j’ai toujours eu ce sentiment de responsabilité de préparer nos élèves pour leur avenir. Et c’est un défi, j’en conviens, mais relever ce défi fait aussi partie de notre responsabilité. Prenons l’IA à bras-le-corps dès à présent, pour changer l’apprentissage et pour guider nos élèves !

Cet article est également inspiré du travail de mon excellent collègue Ovi Barceló Hernández avec son aimable autorisation.

Aucune IA générative textuelle n’a été utilisée dans le cadre de la rédaction de cet article.

2 thoughts on “L’IA est-elle la fin de l’éducation ? (encore)

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