Le Forum TIC 2018 organisé à la Haute Ecole Condorcet avait pour but de rassembler les acteurs de l’enseignement autour de la pédagogie du numérique. Durant une journée complète, experts, chercheurs, utilisateurs éclairés, sociétés ont partagé leurs ressources et leur expérience du numérique dans les classes et les amphithéâtres.

La journée a débuté par une conférence de Bruno De Lièvre de l’UMons sur l’état des lieux du numérique dans l’enseignement en Wallonie. Sans reproduire ici tout le contenu de cette très intéressante présentation, j’en retiens certains éléments-clés comme l’enrichissement des notes de cours par les QR Codes, les outils de réalité augmentée appliqués à l’anatomie ou les outils d’interaction avec la classe comme Wooclap.

Bruno De Lièvre a évidemment abordé le thème tellement actuel de la robotisation et de sa place dans l’enseignement. La question est vaste et aucune réponse claire et tranchée ne se dessine encore. Il est cependant certain que les robots ne remplaceront pas les enseignants à court terme mais cela ne signifie pas qu’ils n’entraîneront pas une profonde mutation de l’enseignement.

Le numérique dans l’enseignement est souvent synonyme d’avenir. C’est dans cette optique que nous avons pu constater que les métiers les plus demandés dans un avenir très proche sont les pilotes de Drone, les concepteurs logiciels et les infographistes 3D pour ne citer que ce bref échantillon. La question se pose donc de savoir si l’école actuelle sera en mesure de préparer son public à ces futurs métiers qui sont en pleine explosion aujourd’hui.

Si l’on regarde dans le rétroviseur, l’enseignement a déjà raté le virage de l’audiovisuel dans les années 80 et 90. Un deuxième tournant a été manqué dans les années 2000 avec le loupé de l’informatique. Question se pose donc pour savoir si l’enseignement manquera donc également le virage du numérique qui s’est amorcé durant cette décennie.

Posant plus de questions pertinentes que n’apportant de réponses préfabriquées, Bruno De Lièvre enchaîne avec une interrogation supplémentaire concernant la société contemporaine : la technologie est-elle le vrai problème ? Les problématiques actuelles liées aux nouvelles technologies ne sont-elles pas les symptômes du problème de fond qui gangrène les foules de plus e plus connectées … à savoir quels outils et quelle formations l’école fournit-elle afin d’utiliser la puissance des outils technologiques à bon escient ?

Dans le prolongement de cette question, il est judicieux de soulever un point corolaire : le discours des enseignants est-il adapté au monde d’aujourd’hui ? Les enseignantes sont-elles formées à comprendre correctement à guider efficacement les enfants, les adolescents et les jeunes adultes dans cette apparente jungle multimédia ? Si la réponse est non …. Qui s’en charge donc ?

Livrées à elles-mêmes la plupart des personnes vont se perdre dans les méandres de la désinformation et de la manipulation de masse. En parallèle à cela, des initiatives se sont mises en place pour pallier aux manques de l’école et tenter de résorber une partie du fossé numérique social qui s’est creusé de plus en plus (non pas en terme d’accessibilité aux outils mais de compréhension et de maîtrise des contenus).
Il faut ouvrir un tantinet les yeux pour se rendre compte que les grands acteurs de l’informatique d’hier et d’aujourd’hui n’ont pas attendu les enseignantes pour proposer des plateformes et des outils d’apprentissages gratuits ou presque.

Un marketing, véritable marché parallèle de l’enseignement est en train de se mettre en place tout en minimisant la qualité du travail des enseignantes de terrain : c’est bien entendu celui des labels des pédagogies alternatives. Comme si la qualité de l’enseignement et la créativité avaient un prix et étaient l’apanage de quelques écoles estampillées de telle ou telle méthode officielle. Cela souligne cependant le manque de mise en valeur et d’ambition de la pédagogie au sein des écoles de la Fédération Wallonie Bruxelles. Combien de professeurs efficaces et innovants ne sont pas mis en avant ou valorisés au sein de nos écoles ? À nouveau question se pose sur la manière redorer le blason de l’enseignement dans nos régions.

Il est donc certain que l’éducation doit se faire de deux manières : une éducation au numérique et une éducation par le numérique. Il n’existe pas de miracle dans ce domaine. La démarche pédagogique doit évoluer et les cellules de soutien au numérique ne peuvent rester l’apanage des hautes écoles et des universités. Du fondamental au secondaire, toute une infrastructure inexistante aujourd’hui doit être créée. Encore parler de nouvelles technologies dans l’enseignement est une aberration. Internet a 50 ans, Facebook et les smartphones en ont passé 10 … Il ne s’agit donc plus de technologies “nouvelles” !

La pédagogie numérique est mal présentée car l’accent est mis en permanence sur la technique. Or cet aspect ne passe qu’après l’aspect créatif, l’aspect social et l’aspect des savoirs qui sont parties intégrantes du numérique. Le projet cité en exemple (et toujours pas officialisé dans les programmes ni dans les socles) des digital compétences ou educators à l’échelle de l’Europe pointe bien le fait que la plupart des compétences du numérique ne nécessitent pas la sollicitation d’aspects techniques.

C’est donc vers une complémentarité entre le système d’enseignement classique et le numérique qu’il faut orienter l’enseignement d’aujourd’hui et pas vers une compétition des méthodes qui fera encore la part belle à une société plus compétitive.

Le devoir de la Fédération Wallonie Bruxelles est de former les enseignants au numérique et d’intégrer le numérique dans les écoles non pour y faire entrer des machines mais pour donner les outils nécessaires dans le monde d’aujourd’hui pour mieux le comprendre et développer l’humain dans ses différents aspects.

Des stands et des échanges

Des exposants présentaient également des outils numériques et du matériel informatique durant les pauses de la journée. Je tiens à citer notamment la Khan Academy, le projet Oscar (détection des lacunes en mathématiques) et Wooclap (dont une démonstration à grande échelle nous a été faite durant la conférence de Bruno De Lièvre).

 

À partir de là, le Forum s’est poursuivi sous forme d’ateliers abordants différents thèmes liés au numérique scolaire. Je ne pourrai donc ici vous faire part que de mon expérience des deux Workshop auxquels j’ai participé.

Dynamiser son enseignement à l’aide de Devices – BYOD

J’ai donc continué la matinée du forum par la formation BYOD (Bring Your Own Device) qui était animé par Marc Hamelrijckx de la Haute Ecole Francisco Ferrer.

Au travers de l’atelier, monsieur … faisait le tour d’une sélection d’outils permettant de dynamiser des sessions de cours en faisant appel aux appareils numériques du public ou de l’intervenant (smartphones, tablettes ou ordinateurs). Chaque outil était présenté avec ses avantages et ses inconvénients. Cette méthode a le mérite de donner une perception la plus objective possible. Le choix des outils s’est évidemment porté au maximum sur des outils gratuits ou alors des outils dont l’investissement apporte une réelle plus-value.

Nous avons donc pu tester Plickers en direct avec son fameux système de QR codes imprimés. Ces papiers remis à chaque élève ou membre du public permettent à ces derniers à de répondre à des QCM à maximum 4 items pour des auditoires de maximum 60 personnes. C’est gratuit, simple, efficace et minimaliste puisque cela ne demande qu’un smartphone connecté à Internet pour le professeur.

Classflow proposé par Prométhéan est un autre outil gratuit (jusqu’à maintenant) qui apporte une belle collection de fonctions pour gérer les interactivités avec un public. Les points faibles qui nous ont été présentés sont la lenteur de son serveur et l’obligation de rester connecté à Internet pour pouvoir travailler dessus. Sa diversité reste cependant son point fort.

L’outil suivant que nous avons pu essayer était Socrative. À nouveau le système est gratuit, permet de maintenir les apprenants actifs et éveillés par un système de questions. Socrative permet de gérer trois types de questions mais oblige chaque participant à s’y connecter via un périphérique (smartphone, tablette ou ordinateur). Il n’est évidemment accessible qu’en étant connecté au web mais produit à la fin des séances de quizz des rapports d’une grande qualité et d’une excellente lisibilité.

Kahoot est l’outil que nous avons testé directement après Socrative. Le système est assez ressemblant dans ses caractéristiques (en ligne, device nécessaire pour participer, gratuit …). Kahoot met l’accent sur le côté ludique et challenge en poussant l’ambiance jeu télévisé via un classement de timing pour les réponses, des statistiques de vitesse et de réussite directement transmises aux participants après chaque réponse et une interface très colorée.

Nous avons terminé la démonstration par l’essai de Wooclap dans sa version gratuite. La version payante débloque certaines fonctions du logiciel mais la version de base permet déjà de fonctionner avec un groupe de maximum 30 personnes. Wooclap a une interface très esthétique, des fonctionnalités avancées dans la gestion des questions, leur intégration dans des diaporamas, les rapports complets … Les questions sont variées, la fonction de chat avec le public, le mur qui met en gant les statistiques des réponses de manière visuelle sont des gros plus par rapport aux outils concurrents. De plus son intégration complète dans PowerPoint vient d’être confirmée par Microsoft.

Merci à Marc Hamelrijckx pour son enthousiasme et sa générosité dans le partage d’expérience qu’il nous a proposé.

EnigmatiK – l’Escape Game Pédagogique

L’après-midi m’a permis de participer à une expérience d’Escape Game pédagogique réalisée et animée par l’équipe de soutien pédagogique de la Haute Ecole Condorcet.

La cellule d’appui pédagogique (CAP) de la Haute Ecole Provinciale de Hainaut-Condorcet vous a concocté un petit Escape Game pour l’occasion !
Son petit nom : «EnigmatiK»… 🤔 Une expérience ludo-pédagogique qui mêle résolution d’énigmes, outils numériques & esprit collaboratif. Aucun détail ne devra être négligé, si vous voulez relever ce challenge ! 💪🏻

Le principe était de résoudre une enquête (je ne dévoilerai pas d’élément du scénario pour ne pas gâcher votre potentielle participation future). Simon Renaut et son équipe ont mis au point un projet très pertinent et efficace. Le but de ce jeu est de renforcer l’esprit d’une équipe pédagogique tout en leur faisant utiliser des outils numériques nécessaire pour résoudre les énigmes de l’enquête. Apprendre en s’amusant est donc l’esprit qui se dégage de cet atelier basé sur le concept de « gamification » de l’apprentissage. La bonne humeur était au rendez-vous dans un challenge suffisamment relevé que pour mettre une pression certaine sur les épaules de l’ensemble du groupe. Le matériel est abondant et de bonne qualité. Les applications et outils numériques qui sont sollicités durant le jeu viennent d’imbriquer naturellement dans un continuum logique et naturel. Et sans en dévoiler plus, je dirais qu’on sent le souci du détail dans certains des casse-têtes proposés.

Le débriefing a apporté des éléments de réflexion intéressants sur les concepts pédagogiques mis en œuvre ainsi que sur la mise au point d’une structure de ce type dans d’autres cadres d’apprentissage que celui proposé. L’analyse des dynamiques de groupe et le retour d’expérience « à chaud » constituent un réel plus. La mise en scène est prenante, les aidant sont présente sans être envahissant ou trop cadrants, la difficulté correctement dosée sur l’ensemble des énigmes est une bonne échelle de mesure de l’efficacité de l’expérience (pour celles et ceux qui ont déjà expérimenté les Escape Games notamment). Le jeu auquel nous avons participé en est encore à sa version bêta mais devrait prochainement (après quelques sessions de test grandeur nature supplémentaires) être proposé en accès dans les écoles qui en feront la demande.

Bravo donc à toute l’équipe qui a réalisé ce formidable atelier ! Une affaire à suivre pour les futurs teambuilding, les futures journées de formations ou les moment pédagogiques planifiés pour nos écoles …

Conclusion

Ce forum a donc été selon moi une très belle réussite avec une forte participation, des ateliers intéressants et pertinents sans oublier un accueil de grande qualité. Vivement le prochain épisode !

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